La barque de poste de Robert transporte aussi des idées En savoir plus sur http://www.ladepeche.fr/article/2015/07/19/2146337-la-barque-de-poste-de-robert-transporte-aussi-des-idees.html#3s707usUUQpUCcQj.99 – L'Officiel du Canal du Midi

La barque de poste de Robert transporte aussi des idées En savoir plus sur http://www.ladepeche.fr/article/2015/07/19/2146337-la-barque-de-poste-de-robert-transporte-aussi-des-idees.html#3s707usUUQpUCcQj.99

Dernier portrait de notre série sur le canal du Midi, aujourd’hui, où l’on retrouve Robert Mornet, à Agde, avant sa remontée vers Sallèles d’Aude où il sera ce dimanche à bord du Cairol, sa fameuse barque de poste.

Agde. Ici s’achève la balade. Enfin presque. Car une fois admirée l’écluse ronde et ses trois portes distribuant le trafic vers Béziers, l’étang de Thau et l’Hérault, il est impossible de ne pas pousser jusqu’au bout. Aux Onglous, à Marseillan, où s’achève le canal du Midi, où se devine Sète, là-bas, où les bateaux s’échangent des nouvelles de l’Atlantique et de la Méditerranée. Où le fantôme de Riquet qui avait posé là la première borne de son canal vous dit…

«Au fait, tu n’as pas oublé de passer au Somail ? Ni aux ouvrages du Libron ? Parce que tu sais, tout le monde connaît l’exploit du tunnel du Malpas,l’escalier d’écluses de Fonsérannes et ses neuf portes, à Béziers. Mais ma chapelle ? Et ce qu’ont construit aussi mes successeurs ?»

L’ouvrage méconnu du Libron, donc, à deux pas d’Agde en l’occurrence… Digne fils de Jean-Polycarpe, Urbain Maguès les a réalisés en 1858. Le défi ? C’est qu’à Vias, le Libron, petit torrent cévenol, pose un sacré problème lorsqu’il grossit de façon démesurée après les forts orages, par exemple. Alors l’ingénieur toulousain a conçu un ensemble à la fois esthétique et étonnant pour faire passer la rivière en colère et ce qu’elle charrie. «Une série de caissons en U, de chaque côté, qu’on avance au milieu du canal où ils se rejoignent pour le fermer, formant un lit artificiel pour laisser passer la crue du Libron par-dessus», résume Edmond Boudet, 62 ans, veillant depuis 1977 sur l’ouvrage.

Quant au Somail ? Oh, ça, c’est bien en amont de Béziers, entre Homps et Capestang, juste avant la bifurcation vers le canal de la Robine. Sur le Canal Royal, les voyageurs de Toulouse à Sète passaient là leur troisième nuit, dans ce hameau construit par Riquet au carrefour de sa voie et de la route de Narbonne à Saint-Pons-de-Thomières, où l’on embarquait ou débarquait donc les marchandises allant vers la Montagne Noire ou Narbonne.

Et l’hygiène des âmes préoccupait plus l’époque que celle des corps au XVIIe… Témoin la chapelle Saint-Pierre Saint-Paul, sur le port, jouxtant l’auberge. «Elle garde le souvenir de l’abbé Izombard, disparu en 1952, qui venait dire la messe avec sa chèvre», se souvient amusé un habitant. Mais surtout, elle garde la mémoire des messes que Jean-Mathias Riquet faisait dire pour son père, décédé sans avoir vu achevée son œuvre, alors qu’il était si près. Et celle des voyageurs qui se devaient d’y prier avant de reprendre la barque de poste.

La barque de poste… que Robert Mornet a amarré à Agde, justement. Où l’on redescend, à présent. élégante coque rouge, cabine verte… «Ce bateau m’a sauvé la vie», explique Robert, le premier à faire naviguer une réplique historique en bois, sur le canal du Midi.
15 ans pour la finir

Robert ? Gueule burinée sous le bonnet, c’est d’abord un Cévenol, ancien mineur d’Alès devenu éducateur spécialisé. Une carcasse septuagénaire qui en a vu, aux pattes noueuses connaissant le labeur. Mais qui un jour est tombé en amour… «lorsque j’ai vu un dessin de ce bateau, j’ai tout de suite eu envie de le construire. C’était en 1991», se souvient-il.

Coque de sapin, cabinage de châtaignier «parce que je suis des Cévennes», il lui a alors fallu 15 ans pour le finir, son Cairol. «Barque de poste de 1818 conçue pour le canal, de 15 m long sur 4,20 de large et 2,30 de haut avec 40 cm de tirant d’eau dont la capacité d’origine était 50 passagers», résume-t-il quant à cet énorme chantier l’ayant aidé à surmonter la maladie.

Le bois plutôt que le plastique, le plaisir au bout de l’abnégation plutôt que la consommation… «Le canal, il se mérite», c’est même devenu sa philosophie à Robert, «contre la vulgarité» de ceux qui, «même en vacances veulent aller vite», lorsqu’il rappelle qu’en 1826, la moyenne de 11 km/h pour rallier Béziers à Toulouse était saluée comme une performance.

Car lui, avec Le Cairol, c’est aussi un voyage dans le temps qu’il offre via l’exposition à son bord ou les conférences qu’il accueille. Pour remonter aux sources du canal, de sa navigation, avallante, dans le sens des eaux, montante à l’inverse. Mariniers, passagers… Avec Robert, on croise alors des voyageurs prestigieux : Jefferson, Stendhal et bien sûr Mme Craddoch et ses récits fameux. Ou l’on partage un coup d’ «eau de Septe», l’anisé de Riquet en rêvant d’une légende… «comme celle de la Lorelei pour le Rhin, car ça manque à l’imaginaire des gens, sur le canal», constate-t-il. En attendant ? Aujourd’hui, Robert est à Sallèles d’Aude et à 11 h démarrera tracté à l’ancienne par des chevaux et des hommes. L’essence originelle.

«Le canal, il se mérite», c’est même devenu sa philosophie à Robert
Pierre Challier

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