TOULOUSE : Sam veut relancer le transport de marchandises sur le Canal du Midi – L'Officiel du Canal du Midi

TOULOUSE : Sam veut relancer le transport de marchandises sur le Canal du Midi

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Jean-Marc Samuel et Lucien, à bord du Tourmente en route pour Convivencia/Photo DDMP.C.

Hier, nous étions en cale de radoub à Toulouse avec le chaudronnier Serge Ribes. Et à deux pas, donc, Sam travaillait sur son bateau. Sam ? C’est Jean-Marc Samuel, l’homme qui veut relancer le transport de marchandises sur le canal du Midi où le fret régulier s’est éteint il y a 25 ans…

Ne pas se fier à son côté grand gamin lorsqu’il se présente : «Jean-Marc Samuel, dit «Sam», dit «le Roi du Canal», éclate-t-il de rire. Non, ne pas se fier à son côté grand gamin… car nul n’est plus sérieux à la tâche qu’un enfant qui joue, lorsqu’il veut mener à bien son aventure. Celle de Sam sur le canal ? Elle a vraiment commencé il y a 20 ans. Voire même avant…

Un œil loin devant la proue de sa péniche là-bas, à 30 mètres, pour anticiper courbes et éventuels obstacles, mains se croisant et se décroisant sur la barre, la droite toujours prête à réguler les gaz, seul «frein» pour maîtriser ces dizaines de tonnes en mouvement… en route pour Castanet, il passe le port de Ramonville Saint-Agne et raconte.
Le Willy, son premier bateau

L’histoire d’un Parisien né il y a 57 ans parti faire le menuisier-ébéniste dans les Alpes de Haute-Provence, «jusqu’au jour où des copains m’ont demandé d’aménager leur péniche». C’était en 1982. Coup d’essai réussi sans doute puisqu’une Occitane marque de cosmétique lui demandera ensuite d’en faire autant pour son bateau. «Je suis alors passé à la menuiserie fluviale dans la deuxième «Mecque» de la batellerie française après Conflens Sainte-Honorine : Saint Jean-de-Losne, en Côte d’Or». Mais de là à y rester à quai, non. En 1995 ? Il achète son premier bateau, le Willy, «qui servait au gravier sur le Lot» et je l’ai transformé en atelier de menuiserie itinérant pour mariniers et plaisanciers entre Toulouse et Dijon».

Le long des berges ombrées du canal, la procession immobile des résidences flottantes regarde passer le Tourmente. Des «salut Sam» fusent régulièrement des ponts. Un escabeau à récupérer chez l’un, il ralentit, passe la barre à son copain Lucien Miquel, né fils de marinier à Toulouse sur L’Arc-En-Ciel et attrape au vol l’échelle. Puis les deux hommes poursuivent en se pointant du doigt les rares amarrés qui naviguent encore. Une main suffit à les compter. Mais pour ces bateaux entretenus, combien d’épaves en devenir ? La question quant aux squatters décatis abandonnés là.

Alors qu’une péniche, «c’est fait pour voyager et transporter», rappelle Sam. «Mais, dans les années 80, on a laissé crever les mariniers du canal du Midi», répond Lucien en écho. La priorité de la France, c’était alors le diesel, les poids lourds, l’autoroute.

«Aujourd’hui, on sait ce que ça coûte en pollution», reprend Sam. Qui se bat donc avec son Tourmente contre l’idée d’un canal dédié au seul tourisme et réduit à un «Riquet-Land». Le Tourmente, Ramonville et ce pont-là, devant… tout un symbole d‘ailleurs, pour Sam, tandis qu’il vous fait baisser la tête, vu que ça passe ras. «Nous avons acheté cette péniche deux jours après la naissance de ma fille. Diane est née ici, le 11 juillet 2000, « pont de Mange-Pommes à Ramonville, canal des Deux-Mers », dit d’ailleurs son acte de naissance et le surlendemain, nous achetions donc L’Ôo, dont le premier nom était Le Coaltar. Mais comme je préfère naviguer dans la tourmente que dans le coaltar, je l’ai rebaptisé LE Tourmente», explique le marinier, désormais connu comme le loup blanc de Bordeaux à Sète et même au-delà, rentrant d’ailleurs du 54e Pardon National de la Batellerie à Conflens.
Du vin à destination de Bordeaux

Car le Tourmente, construit aux Pays-Bas dans les années 30, c’est la dernière… ou la première péniche – selon l’endroit d’où l’on veut voir l’histoire – à maintenir (ou à ressusciter) la tradition du fret, du transport commercial sur le canal du Midi. «Le dernier régulier, c’était le Bacchus qui y transportait du vin jusqu’en 89-90», précise Sam.

Derrière le rideau des platanes se devine l’autoroute. «Certaines marchandises n’ont pas besoin de voyager à 90 km/h. à l’heure où tous les réseaux sont saturés, la péniche a toute sa place», souligne-t-il, plaidant pour un nouveau regard et la cohabitation du fret et des plaisanciers.

Transport de vin à destination de Bordeaux en 2007 avec médiatique chargement à bord du Belem ou de 136 tonnes de sable l’an passé entre les deux mers «pour valider le tirant d’air et le tirant d’eau avec un bateau chargé, notamment au point le plus bas, à Capestang»… «Ce n’est pas un rêve, c’est maintenir vivante l’idée, montrer que c’est faisable, respectueux de l’environnement, car la péniche, ça reste un transport écologique d’avenir», souligne-t-il. En attendant ? D’autres transports occuperont son été, artistiques évidemment, au gré des escales de Convivencia, le festival naviguant des musiques du monde dont Le Tourmente est un compagnon obligé.

« La péniche, ça reste un transport écologique d’avenir. »
Le chiffre : 300

ans>De navigation marchande. Le transport du fret a été l’activité essentielle du canal du Midi durant 300 ans. La plaisance ne s’y est réellement développée que ces 20 dernières années.
Pierre Challier
extrait de LA DEPECHE DU MIDI du 17.07.2015