Un projet de tour en bord de Garonne, dominant les emblématiques Bassins des Filtres liés à l’histoire du Canal du Midi provoque une tempête chez les riverains et au conseil départemental.
Avis de tempête autour du Bassin des filtres. Ce lieu un peu secret, aux ombrages et à la verdure fort appréciés des promeneurs et des joggeurs, entre canal de Brienne et Garonne, Ponts-Jumeaux et cité universitaire Chapou, est traversé par une onde de choc depuis la découverte par des riverains d’une modification du plan local d’urbanisme (PLU).
Les habitants ont appris, en consultant les documents accompagnant l’enquête publique récente, que Voies Navigables de France, l’administration chargée de la gestion des voies d’eaux (canaux et fleuves) de l’Hexagone, propriétaire des lieux, envisageait l’implantation d’une tour de bureaux de 30 m de haut (9 étages), «signal urbain» en entrée de ville, d’une résidence senior (restaurant, salon…) et de logements le long du Port de l’Embouchure, d’un bâtiment regroupant la MJC relocalisée, la Maison de la pêche et la Maison de quartier, de logements et commerces autour de l’actuel boulodrome du Tricassin (pourtant traversé par un mail classé), rebaptisé place des Amidonniers. Pour permettre ce projet, la zone a été requalifiée UI7, soit «à urbanisation intense».
Le projet prévoit encore la démolition/reconstruction des chalets à l’architecture si caractéristique, avec leurs terrasses en bois en étage, autour du Bassin des Filtres. Délaissées par VNF, tout comme les terrains de tennis en terre battue où pousse l’herbe, quoiqu’abritant encore une vingtaine d’agents de VNF, selon Jean Abele, directeur territorial Sud-ouest de VNF, certaines de ces maisons sont squattées et dégradées. Seuls deux bâtiments seraient conservés et valorisés (le bâtiment dit de l’horloge et la maison de l’ingénieur), tandis que des logements, notamment HLM, seraient créés le long de la berge.
Le collectif Job, les comités de quartier des Ponts-Jumeaux et des Sept-Deniers, et le comité de défense des berges de la Garonne viennent d’écrire aux ministres de la Culture et de l’Environnement (qui chapeaute le secrétariat aux Transport dont dépend VNF), ainsi qu’au préfet et au maire de Toulouse et à divers élus pour réclamer l’annulation de ce projet immobilier, «atteinte grave au patrimoine et à l’environnement», au moment «où l’on célèbre les 350 ans du canal du Midi et les 20 ans de son inscription par l’Unesco au Patrimoine mondial».
Jean-Michel Fabre et Christine Courade, pour le conseil départemental, suggèrent «un avis défavorable à la réalisation de bâtiments non souhaités par les habitants du quartier, non adaptés aux sites et qui constitueraient un bien mauvais «marqueur urbain» pour une ville qui souhaite être reconnue au patrimoine mondial de l’Unesco».
Repères
Le chiffre : 30
Mètres >de haut. La tour de bureaux projetée à l’entrée des Ponts-Jumeaux, en bord de rocade et de Garonne, au cœur du quartier des Voies navigables de France, aux Amidonniers, pourrait atteindre 30 m de haut soit R + 9.
« Nous dénonçons ce projet et demandons aux instances concernées de l’empêcher. »
Collectif Job et comités de quartier des Ponts-Jumeaux et des Sept-Deniers et de Défense des berges de la Garonne, dans leur courrier aux ministres de la Culture et de l’Environnement.
Jean Abele (VNF) : «On va lancer un appel à projets»
«Rien n’est encore acté, il n’y a pas de projet», soutient Jean Abele, directeur territorial Sud-ouest de VNF, qui reconnaît toutefois «une volonté d’aménager un secteur qui en a besoin, en maintenant la qualité écologique du Bassin des filtres. On est au stade de lancer l’appel à projets. La tour tertiaire aurait l’intérêt de protéger le calme du Bassin du trafic de la rocade. Les habitants agents VNF des chalets seront prioritaires pour être relogés dans les nouveaux logements», assure le responsable pour qui ces «chalets démontés des Pyrénées et reconstruits là sont vétustes, plus aux normes et sans grand intérêt» et qui évoque à la place des bâtiments en R + 2 ou R + 3 avec du logement social. «On souhaite faire une opération immobilière équilibrée pour que le contribuable ne soit pas de sa poche», poursuit le fonctionnaire qui parle d’«embellissement du secteur» et de «qualité architecturale». Annette Laigneau, adjointe au maire à l’urbanisme, justifie le changement de zone au PLU «pour préserver l’avenir», assurant : «On sera vigilant sur la qualité».
Philippe Emery