Bernard Le Coq, l’écrivain Michèle Teysseyre, le réalisateur Jean Périssé et Jacques de Grenier (‘Un film sur Riquet’), lors de l’avant-première. PHOTO/© D.R
Le projet, impulsé par une association salléloise, est arrivé à terme : ‘La fabuleuse histoire de Monsieur Riquet’ a été projeté en avant-première à Tournefeuille.
La morale de cette aventure, c’est qu’une idée, même utopique, peut toujours se concrétiser si l’on y met suffisamment de force et de foi ». Jacques de Grenier et l’association salléloise ‘Un film sur Riquet’ viennent d’en faire l’éclatante démonstration. Quelques années auront suffi à ces passionnés du Canal du Midi pour accomplir leur défi : donner naissance à un long-métrage consacré à Pierre-Paul Riquet.
Partis de zéro, les bénévoles ont convaincu un réalisateur (Jean Périssé) et une écrivain (Michèle Teysseyre). Un comédien a ensuite rejoint le navire, et pas des moindres : Bernard Le Coq. C’est lui qui donne sa voix au film-documentaire La fabuleuse histoire de Monsieur Riquet, dont l’avant-première a eu lieu dimanche dernier, tout près de Toulouse.
Le terme ‘film-documentaire’ n’a rien d’un effet de style : jamais une production de ce type ne s’est à ce point rapprochée de la narration cinématographique. Le tout sans ces reconstitutions poussives dont certains se sentent obligés d’abuser. « De cela, je ne voulais pas », lance clairement Jean Périssé. « En revanche, je tenais vraiment à conter une histoire, menée comme une véritable enquête. De Riquet, je n’en savais pas plus que la plupart des gens. C’était ‘le père de la sécu’ et ce type de choses, qui constituent les aspects les moins intéressants du personnage. En répondant à la proposition de l’association, j’ai eu l’opportunité d’explorer ses zones d’ombre ».
De l’idée même du Canal jusqu’à sa réalisation bourrée d’obstacles, La fabuleuse histoire… tente de tirer le vrai du faux en convoquant de nombreux spécialistes dont les témoignages se répondent à un rythme haletant. Un montage ciselé à la seconde près : le résultat d’un travail d’orfèvre. « J’avais une quarantaine d’heures d’interviews », s’exclame Jean Périssé. « Le plus difficile pour moi était de donner toutes les informations sans perdre en énergie et en dynamisme ».
Pour y parvenir, le réalisateur avait un autre atout dans sa manche. Une trouvaille aussi simple que géniale, qui transforme définitivement ce documentaire en véritable récit. Au lieu de rajouter simplement les commentaires de Bernard Le Coq sur les images du Canal, Jean Périssé filme en effet le comédien dans le studio d’enregistrement. « Peu à peu, il entre dans la peau de Riquet ». Et pour cause : Le Coq lit aussi nombre des missives que le bâtisseur avait adressées à Colbert… ‘incarné’ par l’acteur François-Henri Soulié (tout aussi formidable). « Il n’y a pas de jeu à proprement parler », souligne le metteur en scène. « C’est juste une évocation, mais cela suffit pour oublier l’anachronisme du studio et pénétrer dans ces échanges de lettres ». Un duel jubilatoire, point d’orgue d’une histoire fabuleusement bien racontée.
Bernard Le Coq : « Il y a quelque chose d’universel dans cet homme qui va au bout de son rêve »
Le plaisir qu’il prend à ‘jouer’ dans ce documentaire crève l’écran. Bernard Le Coq a vécu avec délice cette transition progressive du narrateur vers son personnage. « C’était vraiment très amusant à tourner », confie le comédien. « Jean commence par filmer des acteurs en plein travail, puis les frontières se brouillent petit à petit et les artistes s’identifient à ceux dont ils parlent ».
Tout en prenant soin de ne pas aller trop loin… « Il ne fallait pas tomber dans un jeu ampoulé, théâtral dans le mauvais sens du terme », explique-t-il. « Nous avons voulu faire les choses simplement, et j’ai confiance pour cela dans l’œil de Jean car nous sommes sur la même longueur d’onde. Quand il me dit que quelque chose ne va pas, il vise toujours juste ».
Une complicité de longue date, Jean Périssé ayant déjà dirigé Bernard Le Coq dans le film L’Occitanienne. Le comédien incarnait alors Chateaubriand : avec La fabuleuse histoire…, le metteur en scène lui offre d’approcher une autre personnalité hors norme. C’est d’ailleurs le parcours exceptionnel de Riquet qui a poussé Le Coq à s’embarquer au fil du canal. « Il y a quelque chose d’universel dans cet homme qui va jusqu’au bout de son rêve », confie l’artiste.
« La force de ce documentaire tient justement dans le fait qu’il se regarde comme un film : on ne s’ennuie pas une seule seconde, et on se laisse ainsi porter par la folie de ce personnage lancé dans un projet insensé ». Toutes proportions gardées, on pourrait faire aisément le parallèle avec le destin de ce long-métrage né en Narbonnais, d’un simple pari.
Prochaine étape le 5 février prochain, date de la sortie nationale. Le réseau ‘salle et essai’ étant dans un premier temps privilégié, on espère que le film fera escale au cinéma du Théâtre : ce serait d’autant plus réjouissant que la salle en question est pour ainsi dire au bord de l’eau.
L INDEPENDANT du 27/12/2013