Le canal du Midi fête sa naissance – L'Officiel du Canal du Midi

Le canal du Midi fête sa naissance

2016 est l’année du 350e anniversaire de la signature de l’Édit de construction du canal du Midi par Louis XIV, le 14 octobre 1666. Celle-ci fut confiée au Toulousain Pierre Paul Riquet

En octobre 1666, Louis XIV tranche définitivement. Entre les deux projets en lice depuis quatre ans, c’est au fermier des gabelles pour le Haut Languedoc qu’il choisit de confier la construction du canal de jonction de la mer Océane à la Méditerranée. Le tracé empruntant la vallée de l’Agout, puis les cours du Tarn et de la Garonne porté par le protestant montalbanais Scorbiac est définitivement enterré au profit de ce qui allait devenir la grande œuvre de Pierre Paul Riquet. Passionné de science et d’hydrologie sans être ingénieur ni architecte, suffisamment riche pour garantir la réalisation des travaux sur sa fortune, Pierre Paul Riquet a su convaincre le grand Colbert de la qualité de son projet de canal à seuil de partage.
Lorsque ses concurrents imaginent de détourner les cours de l’Ariège et de la Garonne pour alimenter la voie d’eau, Riquet qui a étudié de près la construction du canal de Briard ouvert en 1642 pour relier la Loire au Loing opte pour la solution la plus économe : faire converger les ruisseaux qui coulent sur les flancs de la Montagne Noire vers le point haut du seuil de Naurouze pour la distribuer ensuite vers les cours est et ouest de l’ouvrage.

Pierre Paul Riquet compte avec ce canal améliorer le transfert du sel de la Méditerranée vers le Sud ouest. Mais il poursuit également des desseins plus personnels. Devenir «Entrepreneur de la construction du canal», c’est pour le propriétaire du château de Bonrepos près de Verfeil le chemin le plus court vers la restitution des titres de noblesse disparus avec la disgrâce d’un lointain aïeul. Mais c’est aussi un in investissement qui profitera à sa famille jusqu’au seuil du XXe siècle. Car avant même de l’avoir construit, Riquet achète pour 400 000 livres la seigneurie que le roi soleil vient de créer pour concéder l’exploitation du cours d’eau et d’une bande de 20 m de terre le long des 240 km de chacune des berges du canal.

Partagée entre les deux branches de la famille Riquet : ceux de Caraman et ceux de Bonrepos, cette propriété sera d’un très bon rapport jusqu’à l’inauguration de la ligne de chemin de fer Bordeaux Sète en 1857.
Elle connaîtra également le sort chahuté par l’histoire des propriétés nobiliaires au XVIIIe et XIX e siècle. Confisquée durant la révolution l’ex seigneurie est géré par l’État jusqu’en 1810. Cette année la, Napoléon 1er en confie l’exploitation à la Compagnie du canal du Midi. Mais cinq ans plus tard, dans le grand mouvement de balancier de la restauration, les actions conservées par l’État sont restituées aux Riquet qui reprennent la main sur la voie d’eau. C’est l’arrivée du chemin de fer qui sonne la fin de l’âge d’or. En 1858, les actionnaires cèdent pour 40 ans la gestion du canal à la Compagnie des chemins de fer du Midi. En 1898, lorsque le bail arrive à son terme, l’État se porte au secours des actionnaires en rachetant le canal. Il en restera propriétaire direct jusqu’à la création des voies Navigables de France en 1991.
Les ouvrages qui ont séduit l’Unesco

Classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996, le canal du Midi n’est pas qu’un long cours d’eau tranquille et ombragé. Il égrène tout au long des 241 km de son cours des ouvrages d’art qui témoignent du génie de ses bâtisseurs. À Toulouse, le port de l’Embouchure, la cale de radoub au pont des Demoiselles et les bassins du seuil de Naurouze près de Villefranche de Lauragais constituent le point de départ de la découverte de cette gigantesque machine hydraulique. Près de Revel, le barrage de saint Féréol sur le cours du Laudot fut le plus grand chantier dirigé par Pierre Paul Riquet. Aux Camazes la Voute Vauban est un curieux tunnel long de 140 mètres qui conduit l’eau de la rigole de la montagne vers la vallée du Laudot.

Le Grand bassin et les écluses de Castelnaudary sont emblématiques des dimensions exceptionnelles du dispositif. Toujours dans l’Aude le pont-canal de Vauban à Trèbes, et celui de Carcassonne permettent au canal de franchir par les airs les cours de l’Orbiel et du Fresquel.
nterview Samuel Vanier, Chargé des archives aux voies navigables de France
«Les platanes ont été introduits vers 1870»

Les platanes ont-ils toujours été présents ?

Pas du tout. Dans son premier projet en 1667 Riquet comptait valoriser sa seigneurie en créant une industrie de la soie. Il voulait construire une manufacture et planter des mûriers. Le projet n’a finalement jamais vu le jour.

Les arbres sont-ils apparus dès l’origine du canal ?

Non, à l’origine les berges étaient bordées de cultures. Mais en 1725 les cultures ont été interdites car elles dégradaient les berges. C’est à ce moment la qu’est née l’idée de planter des arbres. Des oliviers ont alors été implantés à proximité de la Méditerranée. En 1767 un plan de plantation de mûriers est lancé entre Trèbes et Carcassonne mais les arbres qui se développent mal son rapidement éliminés. Il y avait également des saules pour la vannerie et des ormes pour le bois d’œuvre entre Trèbes et Toulouse. Car il ne faut pas perdre de vue que les arbres étaient plantés pour être exploités.

Quelle essence a remplacé les mûriers ?

En 1774, le comte de Caraman a opté pour le peuplier d’Italie qui venait tout juste d’être introduit en France. Tout au long du XVIIIe ces peupliers d’Italie dominent le paysage. Lorsqu’ils sont coupés en 1810, ils sont remplacés par l’orme, le frêne et le platane.

Les platanes étaient peu connus à l’époque ?

Ils ont été introduits en France en 1770 et à la fin du XVIII, ils ne servaient que de bois de chauffage. Mais dans la seconde moitié du XIXe les ormes sont victimes d’une maladie, et comme les frênes ont été exploités, le platane que l’on a appris a produire en grande quantité en pépinière prend le pas sur les autres essences. Lorsque l’exploitation du bois de chauffage a été chassée par celle du charbon, les platanes sont devenus les arbres paysagers que nous connaissons.
Le chiffre : 189

mètres >d’altitude. C’est la hauteur du seuil de Naurouze vers où convergent les eaux des ruisseaux de la Montagne noire avant d’être redistribuées vers Toulouse et vers Sète. En 1826 un obélisque de pierre y a été érigé pour commémorer le travail de bâtisseur de Pierre-paul Riquet.
Des barques de poste aux péniches

Lors de son ouverture en 1684, le canal était dédié à la fois au transport des passagers et des marchandises. Des relais de poste gérés par l’administration du canal balisaient son cours. Les voyageurs qui utilisaient les barques de postes pouvaient y emprunter des chevaux pour poursuivre leur voyage par voie terrestre comme dans des relais de poste ordinaires. Mais l’ouverture de la ligne de chemin de fer Bordeaux Sète en 1857 a mis un terme au trafic passager sur le canal du Midi.

En 1765, 250 barques marchandes naviguaient entre Toulouse et Sète. Ces bateaux longs de 15 à 20 mètres et larges de 4 à 5 mètres étaient halés par des chevaux depuis les berges. À partir de 1925, les bateliers abandonnent le halage et équipent leurs barques en bois de moteurs. Durant le premier quart du XXe siècle les péniches métalliques remplacent définitivement les barques marchandes.

Contraintes de partager le fret avec le train, les péniches sont rapidement cantonnées au transport des pondéreux. Céréales, vin, charbon gravier leur assurent une activité de plus en plus résiduelle qui va en s’amenuisant jusqu’à la fin du XXe siècle : le Bacchus qui transportait du vin entre Bordeaux et Carcassonne était la dernière péniche naviguant sur le canal lorsqu’elle a été désarmée en 1989.

Dès le XIXe siècle, les premiers yachts de plaisance sont apparus sur les eaux du canal du Midi. La présence de bateaux de tourisme est toutefois restée anecdotique jusqu’au début des années «70». En 1972 la création à Castelnaudary de la Crown blue line par John Riddle lance la location de bateaux de tourisme sur le canal et redonne à la voie d’eau la fonction économique qu’elle semblait avoir définitivement perdue.

Le service des voies navigables de France continue de réfléchir à un éventuel retour du transport de marchandises sur le canal. Ce retour aux origines commerciales n’est toutefois pas encore d’actualité. D’autant plus que les dimensions du canal du Midi sont insuffisantes pour accueillir des péniches de grande capacité. Ces dernières pourraient en revanche un jour reprendre du service sur le canal latéral entre Toulouse et Bordeaux qui a été élargi au début de la décennie «70».
Recueilli par Barnard Davodeau
Extrait de LA DEPECHE DU MIDI