Il y a 350 ans, la source du canal – L'Officiel du Canal du Midi

Il y a 350 ans, la source du canal

Presse-papiers-1
Louis XIV a signé en 1666 l’édit royal autorisant le lancement des travaux du canal
du Midi. Retour sur ce qui est resté un chantier unique, parce que très moderne
S’adresser aux fontainiers
de Revel : à la
source, il y a ce coup
non de génie, mais
de bon sens, signé Pierre-
Paul Riquet, le concepteur
du canal du Midi. «Les fontainiers
savaient comment capter
les eaux de la Montagne
Noire», raconte Michel Cotte,
professeur émérite d’histoire
des techniques. Auparavant,
bien des projets
s’étaient fracassés contre
l’écueil de la ressource hydraulique
d’un futur canal.
«L’idée de relier la Garonne
à la Méditerranée est ancienne,
et apparaît à plusieurs reprises
au cours des deux siècles
précédents. Mais on ne se
rend alors pas compte des difficultés,
on reste dans l’utopie,
l’imaginaire», rappelle
le spécialiste de l’histoire du
génie civil, selon lequel « le
projet de Riquet a été accepté
parce qu’il a prouvé l’existence
de la ressource en eau». En
octobre 1666, Louis XIV appose
donc sa royale signature
sur un édit qui autorise le lancement
d’un chantier au long
cours (il se termine en 1681),
et hors norme.
ð «Rassemblement
de savoir-faire»
«Jamais on n’avait réalisé
de canal si important et de
chantier si gigantesque depuis
les Romains», résume
Michel Cotte, pour qui il
s’agit aussi «du premier chantier
moderne, un grand rassemblement
de savoir faire ».
Car en ces temps où ni la
brouette, encore moins la machine,
n’existent, Riquet fait
comme avec les fontainiers
de Revel pour le creusement
du canal : «plus entrepreneur
qu’ingénieur», il s’entoure
de compétences, et n’hésite
pas à puiser au sein du sexe
dit faible… «Dans les Pyrénées,
les femmes avaient un
rôle technique, elles géraient
l’eau des villages. Sur le chantier,
elles n’ont donc pas été
cantonnées à un rôle d’intendance
», souligne Michel Cotte.
Au moment du pic d’activité,
sur les 8 à 10 000 ouvriers
employés, 10% sont ainsi des
ouvrières. Autre nouveauté :
figurez-vous que ces gens-là
sont… payés. «A l’époque,
pour les grands chantiers, il
y a trois façons de recruter :
la corvée, l’armée, les forçats,
relate Michel Cotte. Riquet,
lui, paie, et il paie bien. Cela
posera d’ailleurs des problèmes
avec les riverains, car
bon nombre d’ouvriers agricoles
désertent les champs pour
aller travailler sur le chantier
du canal, au grand dam des
propriétaires terriens ». Et
parce que Riquet sait décidément
mener sa barque, il parvient
à se sortir d’eaux troubles
plus politiques. A l’époque,
le roi veut un débouché
à Sète, tandis que l’archevêque
de Narbonne, président
de droit des Etats du Languedoc,
le revendique pour sa ville.
«Pour des raisons techniques
– des risques d’ensablement
– il faut passer par le Minervois,
raconte Michel Cotte.
Riquet l’impose. Il est culotté
car il est pris entre deux
feux : les travaux sont à la
fois financés par l’Etat et par
la Région». Déjà…
Myriam Galy

MICHEL COTTE, un spécialiste
Michel Cotte est professeur
émérite d’histoire des
techniques. Il est expert
auprès de l’ICOMOS –
conseil international des
monuments et des sites –
l’ONG sur laquelle l’Unesco
s’appuie pour la conservation
des monuments et des sites
historiques mondiaux. Au
milieu des années 90, Michel
Cottes a piloté le dossier de
candidature du Canal du Midi
au patrimoine de l’Humanité.
Il est l’auteur d’un ouvrage de
référence : «Le canal du
Midi, Merveille de l’Europe»
(Editions Belin, 2003).

SACRE RIQUET
«Riquet n’était pas un savant,
mais un patron qui savait
s’entourer», résume Michel
Cotte au sujet du fameux
Pierre-Paul, devenu une
légende dans le Midi. A
l’origine, le Biterrois fait fortune
dans le sel, puisqu’il est fermier
des gabelles, «une charge très
rémunératrice». Riquet a ainsi
collecté l’impôt royal dans le
Roussillon, alors que ce dernier
venait de devenir français. «Il y
est allé avec l’armée, mais il y
est allé», admire Michel Cottes.
Grâce à sa fortune, Pierre-Paul
Riquet a largement financé les
travaux du canal. «Mais il n’a
pas tout payé. Disons qu’il avait
une trésorerie qui permettait de
faire tourner la boutique».
l ‘independant