Il est le chaudronnier des bateaux depuis sa rencontre avec le Stella – L'Officiel du Canal du Midi

Il est le chaudronnier des bateaux depuis sa rencontre avec le Stella

Vérité de La Palice parfois oubliée par certains… le canal du Midi est d’abord une voie navigable. Les bateaux ont donc toujours forgé son identité, aussi. Mais les professionnels de leur entretien sont désormais rares. à Toulouse, Serge Ribes est l’un d’eux.

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Tout autour, Toulouse roule. Klaxonne. Slalome. Carambole. Décolle. Et l’intense trafic sur terre comme dans le ciel souligne alors le contraste… celui de ce bassin d’eaux calmes, de cette enclave de paix au cœur de la ville avec ses bateaux immobiles : les cales de radoub de Voies Navigables de France (VNF), au 65 de l’allée des Demoiselles. Havre de tranquillité bordant le canal du Midi, enfin… jusqu’au moment où démarrent les meuleuses.

Gerbes d’étincelles, odeur du métal brûlant, flamme bleue du chalumeau qui prend le relais sur une coque mise au sec… «Radouber, terme de marine, c’est entretenir et réparer», rappelle Serge Ribes, qui aime être précis avec les mots de sa passion. Car attention…

Le Gladys, cette élégante péniche sur laquelle il travaille «n’est pas une péniche», commence-t-il… «C’est un Lux Motor, une coque hollandaise, remarquablement conçue avec son avant pointu et son cul de remorqueur qui lui assure un très bon effet de carène. Non, une péniche, c’est au gabarit Freycinet, soit 38,5 mètres de long pour 5,05 mètres de large, la taille réglementaire des écluses qu’imposa Charles de Freycinet en 1879… et qui n’est pas le gabarit du canal du Midi, limité à 30 mètres», explique-t-il. Bien.

Et que l’on ne confondra donc pas non plus entre Toulouse et Sète avec les tjalk ou les klippers aak, autres bateaux hollandais très prisés… Et encore moins bien sûr «avec les sapines du midi, dont un paquet fut fabriqué ici où une vingtaine de charpentiers travaillaient encore au début du XXe siècle», poursuit Serge.

Aujourd’hui ? Dans ces cales convoquant la mémoire de Jean-Polycarpe et Urbain Maguès, ingénieurs père et fils qui marquèrent de leur empreinte le canal, ses ports, ponts et écluses au XIXe… on ne construit plus. Mais l’on y vit pas moins intensément la passion des bateaux, des vrais, de bois et d’acier, gardant l’odeur du travail et le souvenir des marchandises dans leur cale devenues maison.

Témoin Serge, donc. Né à Toulouse, il y a 41 ans, au bord de la Garonne. Au départ ? «J’étais carrossier. Et puis, il ya 10 ans, j’ai acheté une péniche pour y vivre. L’envie me tenait depuis longtemps et s urtout je me sentais plus capable de retaper de la tôle que de rénover une maison en pierre», sourit-il. C’était le Stella, un Lux Motor de 30×5 m au gabarit canal du Midi, 90 m2 habitables. «Un coup de foudre à 60 000€ qui m’en a coûté 150 000 en travaux mais j’ai vite pris le virus» poursuit-il.
«Le canal du midi c’est le paradis»

Savoir jauger une coque, la sonder pour savoir si elle respecte bien l’épaisseur minimum réglementaire de 3 mm, la refaire si jamais ou aménager l’intérieur : autodidacte doué, Serge a très vite quitté la carrosserie. «Et vu la pénurie de soudeurs spécialisés et la forte demande, je me suis finalement installé chaudronnier il y a dix ans.»

Sur le quai, passe Sam, le patron du Tourmente, dernière péniche de fret du canal. «T’aurais pas trois petites rondelles de 14 ?». Dans la cale sèche sous un second bateau bosse aussi son «concurrent et pote», Mathieu Steinemann, l’autre chaudronnier des Demoiselles. Tandis que sur le Gladys, Éric Stott, costaud et flegmatique sexagénaire de Manchester finit d’arroser délicatement ses fleurs. Puis descend filer un coup de main à Serge pour la touche finale de son chantier : fixer la nouvelle hélice.

Pour cet Anglais ? Le paradis rime avec canal du Midi, résume-t-il, amoureux de «ce village de 240 km de long et 20 mètres de large où tout le monde se connaît». Et où se croisent discrètement quelques figures. «L’une de mes clientes a 80 ans, elle est tout à fait autonome et vit à Hawaï mais j’ai aussi pour habitués un ancien pilote de l’Air Force, deux ou trois millionnaires australiens et l’autre fils de Kirk Douglas, le producteur, qui adore le canal…» glisse Serge. Et trève de mondanités. Restent à faire les essais.

Pour cela, il faut remettre en eau les bassins pour sortir le Gladys. «Comme à chaque fois qu’on vide et qu’on remplit l’eau est perdu, on optimise toujours avec la rentrée des prochains bateaux en chantier», explique Serge. Et les deux suivants sont justement en train d’entrer. Un Britannique chic qui s’installe sous la magnifique charpente du bassin couvert, un couple français dans l’autre cale. Le plus difficile dans le métier ? «être toujours patient, didactique et savoir convaincre les clients qu’il ne faut jamais bricoler, car en bateau, on le paye toujours beaucoup plus cher après…»
Pierre Challie

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