A 27 ans, ce jeune éclusier est responsable de l’écluse de l’Orb à Béziers, sur le Canal du Midi. Rencontre.
Barbe naissante, lunettes de soleil sur le nez et sourire immaculé, Fabien Lanet a le look du DJ branché. Sa table de mixage, c’est le poste de pilotage de l’écluse de l’Orb, à Béziers : une quinzaine de commandes qui contrôlent l’ouverture des vannes, des portes et de la signalisation de cet ouvrage historique. L’écluse de l’Orb avec ses 8,14 mètres de dénivelé est la plus haute écluse du canal du Midi dans le secteur biterrois. Du haut de son poste et de ses 27 ans, Fabien reste concentré sur l’incessant trafic des péniches qui traversent le monstre mécanique. Malgré l’apparente torpeur estivale et le faux rythme de ces bateaux tranquilles, le jeune éclusier doit rester vigilant : « Il faut faire péter l’œil partout ! En descente, si les vacanciers attachent les amarres à la bite d’amarrage, on peut se retrouver dans une situation très compliquée ! » On imagine alors une péniche suspendue à un fil et dont seul l’arrière touche encore des flots en pleine décrue : une catastrophe…
Dix minutes pour vider l’écluse
Mais à l’écluse de l’Orb, on est bien loin de cette vision cauchemardesque. D’ailleurs, certains jouent d’artifices pour impressionner encore des touristes en mal de sensations. Sur fond sonore de la BO du Titanic, le Santa Maria entre dans l’écluse. Les portes se referment. À bord de la superbe péniche, 75 personnes, apprécient le clin d’œil musical pendant que leur embarcation semble effectivement s’enfoncer dans les eaux du canal. Dix minutes suffisent à chaque passage. C’est rapide. Mais pas assez au goût de certains : « Ils sont en vacances mais on dirait qu’ils partent au boulot, ils sont toujours pressés, il faut faire vite, vite… », regrette le Biterrois. Mais ces petites tracasseries n’entament en rien le flegme du jeune homme qui venait déjà vers 7 ou 8 ans dans les cabines de pilotage.
Eclusier comme son père
À l’époque, son père lui aussi était éclusier, il travaille aujourd’hui dans les bureaux des Voies Navigables de France. Alors Fabien a toujours connu l’ambiance indolente du canal. En bon sudiste, il apprécie sa chance et surtout ne met pas la climatisation dans sa cabine. Il préfère ouvrir un peu la fenêtre et boire de l’eau, souvent, à petites gorgées. Il savoure en même temps sa chance : « C’est l’été, il y a du soleil, les gens sont sympas. On ne va pas se plaindre, il y en a qui bossent en chambre froide… » Après un demi-tour dans le port du canal, le Santa Maria revient dans l’écluse et repart dans l’autre sens. À bord, l’ambiance est toujours au beau fixe. L’aller-retour aura pris quelques minutes d’une croisière décontractée. « On appelle ça une Biterroise ! », lance Fabien, lui aussi biterrois et décontracté. Pierre-Paul Riquet a décidément influencé jusqu’à l’humeur locale. Pas sûr toutefois qu’il ait pensé au coup du Titanic…
Jerome MOUILLOT MIDI LIBRE 25/07/2014