Marseillan : une arrivée au goût salé – L'Officiel du Canal du Midi

Marseillan : une arrivée au goût salé

De longues algues vert foncé s’accrochent à l’ancre que remonte Inès, 7 ans. Avec sa sœur, Alice, 4 ans, elle se penche par-dessus le petit bateau sans permis loué le temps d’une balade de deux heures, pour tenter d’apercevoir «des poissons» dans les eaux sombres du canal du Midi. En vain.

La limpidité du torrent capté dans la Montagne noire, à plus de 240 km de kilomètres de là, a laissé place à des flots opaques. Et l’eau douce, déjà, se charge en sel. L’arrivée est proche, et avec elle, la fin de notre série sur le «canal des Deux-Mers», publiée depuis le dimanche 10 juillet.

Le Canal du Midi, une fois passés tant d’écluses, pont-canal, et autres ouvrages imaginés au XVIIe siècle par Pierre-Paul Riquet, vient en effet déboucher à l’ouest de l’étang de Thau. Au niveau de Marseillan et de sa pointe des Onglous, face à Cette, devenue Sète.
Elisabeth : «Je me vide le cerveau»

L’étang n’est pas encore visible, le silence règne, percé par le seul bruit du moteur du bateau. Le sel, lui, remonte haut dans l’ouvrage. Et, dissimulés aux regards d’Inès et Alice, les poissons l’imitent en secret !

C’est Élisabeth, canne en main, guettant les mouvements de sa ligne, qui le confirme : «Des loups, des dorades, des anguilles ! Je pêche ici, il n’y a personne pour m’embêter. Je m’échappe de tout. Je me vide le cerveau». Cette habitante de Marseillan s’est installée tranquillement non loin de la pointe des Onglous.

Effectivement, il n’y a pas grand monde pour la déranger. Les derniers kilomètres du canal ont même parfois triste allure. Certains voiliers amarrés, peintures décrépies, matériaux entassés sur le pont, ne sont visiblement pas en état de naviguer. Plus loin, d’autres ont au contraire fière allure. Quelques-uns sont habités, une petite éolienne tournant dans le vent léger. Ou en pleins travaux : Alice fait coucou au passage à un jeune homme qui ponce, en équilibre précaire, la coque de son embarcation.

Mais voilà qu’approchent la pointe des Onglous et son phare rouge et blanc. Les murs du canal disparaissent. Sète se trouve là-bas, au loin !

Du temps de Paul Riquet, l’endroit était synonyme de danger pour les bateaux. Sans quille et sans possibilité de se faire hâler, il leur était difficile de traverser l’étang. Et en cas de vent supérieur à 30 km/h, il était interdit de s’aventurer. À la voile ou à la rame, il fallait six heures pour rejoindre Sète. Puis en 1832, le remorquage en bateau à vapeur est apparu.

Aujourd’hui, en tout cas, peu de vent. Dans l’étang, les mêmes algues que dans le canal. Mais fini le calme plat des eaux. Dans le sillage de puissants bateaux à moteur, de voiliers, de quelques bateaux de croisières, des vagues viennent taper contre la coque. Alice, debout, est ravie ! Inès, craintive au départ, a pris la barre «pour une minute», à côté de son papa. Désormais, elle semble ne plus vouloir la lâcher. «On avait envie de faire une balade. J’ai bien aimé. Mais je préfère les vagues !». Mais le temps passe. Il faut retourner au ponton de Bat Thau Loc, sur la rive gauche du port de Marseillan.

Alix et Élisabeth Bournouville guettent les marins improvisés pour les aider à aborder. Cela fait deux mois qu’ils ont repris cette activité. «Beaucoup de clients sont intéressés par le canal. Ils veulent le voir. D’ici, en deux heures, on fait l’aller-retour jusqu’au pont du Maire, à Agde, au niveau de la première écluse, précise Alix. Puis les gens vont voir les parcs à huîtres». Voilà pour les touristes. Mais le canal passionne-t-il les gens d’ici ?

«C’est un peu posé dans le paysage, glisse Élisabeth. Nous, on leur en parle systématiquement. On s’est aperçu que c’était un plus par rapport à l’étang. C’est une ouverture». Et une invitation supplémentaire au voyage et au rêve, grâce aux derniers kilomètres de l’œuvre de Riquet.

Lee et Joanne Newman, pour leur part, sont arrivés au bout de ce voyage. Partis de Vias, ils bronzent désormais sur le pont de leur pénichette, amarrée dans le port de Marseillan. Le tatouage de l’Union Jack, entouré par les mots England et Liverpool, sur le bras de Lee, dit leur origine. Le reste n’est que ravissement. «Nous avons pris beaucoup de plaisir sur le canal. C’est “lovely”… Quand on a dit aux gens que l’on venait ici, beaucoup étaient jaloux, chez nous. Et nous n’avons aucun regret !», racontent-ils, enthousiastes. Demain, ils s’envoleront à nouveau vers l’Angleterre. Emportant, tout comme Alice, Inès et leur père, le soleil du Midi sur leur peau. Un peu d’eau douce du canal séchée au coin de l’œil. Du sel de l’étang dans les cheveux.

L’office de tourisme de Marseillan propose aussi des visites spécifiques sur réservation, tél. 04 67 21 82 43.
Caroline Froelig
LA DEPECHE DU MIDI